
Le 24 février 2022, Vladimir Poutine enclenche une opération militaire de grande ampleur visant à prendre le contrôle de l’Ukraine. Depuis lors, le conflit monte en intensité et l’ensemble du territoire ukrainien est menacé par les bombardements. En Europe et sur nos territoires, la mobilisation en soutien à l’Ukraine est massive. Europe Direct décrypte pour vous la situation, et vous présente les actions de solidarité déployées en Gironde.
L’invasion russe : l’escalade des tensions
La situation actuelle de l’Ukraine est aujourd’hui le résultat de plusieurs réalités historiques, culturelles, économiques et géopolitiques que nous ne détaillerons pas dans cet article.
Pour en savoir plus sur ce contexte, nous vous invitons à (re)visionner la conférence de la Maison de l’Europe Bordeaux-Aquitaine animée par Gwenaël Lamarque Guerre en Ukraine : Comprendre la crise .
Depuis l’invasion de la Crimée en 2014 et la sécession des républiques séparatistes de Donetsk et Louhansk, la frontière ukrainienne est l’objet de toutes les craintes. En dépit de nombreuses négociations et d’accords, les cessez-le-feu n’ont toujours été que très brefs.
La situation semble s’être aggravée après que le président ukrainien Volodymyr Zelensky ait souhaité que l’Ukraine intègre l’Alliance Atlantique (sous forte influence américaine) et devienne membre de l’Union européenne. Il s’agit en effet de la ligne rouge à ne pas franchir pour le Kremlin, qui lutte depuis la fin de l’URSS pour que l’Alliance ne s’élargisse pas dans les pays de l’ex Union soviétique. En novembre 2021, des images satellites montraient la présence de véhicules militaires (chars et blindés) à la frontière ukrainienne. Ce déplacement de troupes a alerté les Occidentaux, qui laissaient alors entendre qu’une nouvelle offensive russe serait sanctionnée très lourdement.
En décembre 2021, le Kremlin s’engage dans un dialogue avec les Etats-Unis et l’Otan (en excluant l’Union européenne). Selon Vladimir Poutine, l’Otan ne doit pas intégrer l’Ukraine ou la Géorgie parmi ses membres, car cela porterait atteinte à la sécurité russe. Ces revendications ne sont pas acceptées : l’Ukraine et la Géorgie sont des Etats souverains libres de rejoindre l’Alliance. Et ces conditions ne correspondent pas aux intérêts stratégiques européens. Afin de s’imposer comme interlocuteurs de premier plan, les dirigeants européens tentent d’ouvrir le dialogue avec Vladimir Poutine pour encourager une désescalade : début février, la France et l’Allemagne vont tour à tour se rendre à Moscou afin de trouver un compromis.
La situation bascule dès le 21 février, lorsque Vladimir Poutine annonce la reconnaissance de l’indépendance des Républiques de Donetsk et de Louhansk. Cette reconnaissance permet l’entrée sur des troupes russes sur ces territoires. 3 jours plus tard, la Russie envahit l’Ukraine sur l'ensemble des zones frontalières séparant l’Ukraine et la Russie. Les troupes russes passent également par la Biélorussie, qui partage 890 km de frontière avec l’Ukraine.
Pour voir l’évolution de l’invasion russe en Ukraine, cliquez ici.
Bien que les troupes russes peinent à avancer sur le territoire ukrainien, les grandes villes sont toutes frappées par des bombardements. En 3 semaines, de nombreuses villes sont encerclées et la pression se fait sentir autour de Kiev. Hormis l’éventualité de prendre le contrôle de ces villes, d’autres territoires très stratégiques sont visés par Moscou, à savoir les centrales nucléaires ukrainiennes. De fait, les centrales nucléaires s’avèrent être des cibles de premier choix pour le Kremlin, qui s’est déjà emparé du site de Tchernobyl, et a provoqué un incendie sur le site de la plus grande centrale nucléaire d’Ukraine (et d’Europe). Ce qui n’est pas sans inquiéter fortement l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Outre le nucléaire civile, c’est surtout l’arsenal nucléaire russe qui inquiète les dirigeants et les spécialistes occidentaux. Le président russe a en effet laissé entendre que la mallette nucléaire était ouverte. Sachant que l’arsenal nucléaire russe est le plus important au monde et que Vladimir Poutine ne semble reculer devant aucun obstacle.
L’UE réplique par de lourdes sanctions
Alors que Vladimir Poutine comptait sur les divisions entre les Etats occidentaux et espérait fracturer davantage l’Union européenne, celle-ci s’est révélée plus unie que jamais face à la menace russe. C’est en effet le plus souvent dans les crises que l’Union européenne renforce son intégration et apporte une réponse communautaire ambitieuse.
Le principal et non moins majeur levier d’action de l’Union européenne est une réponse économique et commerciale face à l’invasion russe. En effet, même si les Vingt Sept avaient déjà appliqué des sanctions économiques sur la Russie (notamment en réaction à l’invasion de la Crimée), l’objectif européen est double aujourd’hui : il faudrait isoler totalement la Russie économiquement et financièrement, et sortir de notre dépendance énergétique envers le gaz et le pétrole russe. Pour ce faire, des paquets de sanctions financières de plus en plus sévères se succèdent : gel des avoirs des oligarques russes (avec également saisie de leurs biens en Europe), suppression de l’accès aux marchés des capitaux européens, interdiction d’exportation (sur le pétrole notamment), déconnexion des banques russes du système Swift qui permettent l’échange de capitaux à l’international et les transactions, fermeture de l’espace aérien de l’Union européenne aux avions russes etc.
Les conséquences sur l’économie russe sont colossales, un quatrième paquet de sanctions a été adopté par le Conseil de l’UE et salué par la Commission européenne le 15 mars. Ainsi, toutes les transactions avec les entreprises d’Etat russes sont interdites, ainsi que tout service de notation à une personne ou entité russe. De même, il n’est plus possible de faire de nouveaux investissements dans le secteur énergétique russe. Des restrictions commerciales sont également prévues sur le fer, l’acier et les produits de luxe.
A la suite du retrait des troupes russes de certaines zones, les ukrainiens ont fait d'effroyables découvertes. La ville de Boutcha en est aujourd'hui le triste emblème : plus de 400 corps de civils ont été retrouvés, tués par l'armée russe. Cette tragédie est aujourd'hui vivement condamnée et à suscité l'effroi international. Le président Zelensky est intervenu devant l'Assemblée de l'ONU pour demander l'exclusion de la Russie du Conseil de sécurité. Manoeuvre impossible à mettre en place, mais qui révèle la nécessité de mener une véritable enquête internationale sur les crimes perpétrées par les troupes russes. Au niveau européen, la présidente de la Commission européenne a annoncé le 5 avril la mise en place d'un cinquième paquet de sanctions (embargo sur le charbon et le pétrole, embargos sur les navires russes, extension de la liste des oligarques sanctionnés, blocage de 4 grandes banques russes etc.).
Une véritable réflexion est menée sur la dépendance énergétique de l’Europe envers la Russie, puisque 40% du gaz naturel importé provient de Russie. La Commission européenne a de ce fait proposé un plan appelé REPowerEU visant à gagner en indépendance énergétique.
Chose inédite dans l’histoire de l’Union européenne, les sanctions économiques ne sont pas les seuls moyens de pression utilisés : la communauté européenne exerce aussi une pression militaire indirecte en envoyant pour la première fois des armes à l’Ukraine à travers le mécanisme de Facilité européenne pour la paix (450 millions d’euros d’armements et 50 millions d’équipements de protection et de carburant). Ce conflit a révélé aux dirigeants européens la nécessité d’aboutir à une véritable Europe de la défense et à la définition d’intérêts stratégiques communs. Cet impératif fait à présent consensus, ce qui n’était pas le cas il y a quelques semaines.
Plus qu’une guerre militaire et économique, c’est aussi sur le terrain de l’information que les protagonistes s’affrontent. Afin de lutter contre la diffusion de fausses informations et de discours pro-Kremlin, l’Union européenne a également décidé d’interdire la diffusion des médias Russia Today et Sputnik, connus pour être proches du gouvernement russe.
Une issue difficile à trouver
A l’heure actuelle, difficile d’envisager une quelconque amélioration de la situation. Sur le plan humanitaire, les négociations se poursuivent entre Kiev et Moscou pour établir des couloirs d’évacuation permettant aux civils de quitter les zones de guerre en sécurité. C’est le cas notamment de la ville portuaire de Marioupol, actuellement dévastée par les frappes russes. Hélas, il est impossible de déterminer si ces accords prendront effet.
Des pourparlers ont été engagés avec une quatrième session la semaine passée. Il semble urgent de formuler un compromis, alors que 3 millions de personnes sont aujourd’hui en exode, et que des frappes aériennes ont eu lieu à 20 km de la frontière polonaise. [Mise à jour : Au 24 mars, on compte plus de 10 millions de personnes ont du fuir leur foyer].
Afin de venir en appui à la population ukrainienne, la solidarité européenne se met en place : la Commission européenne a annoncé la mobilisation de 500 millions d’euros d’aide humanitaire à l’Ukraine et à la Moldavie, dans le cadre du Mécanisme européen de protection civil. Du personnel supplémentaire de l’agence Frontex est déployé en renfort aux frontières de l’Ukraine (Pologne, Moldavie, Slovaquie, Roumanie) afin de gérer l’accueil des réfugiés. Une directive sur la protection temporaire des réfugiés a été adoptée, leur conférant des droits (aide sociale, accès au marché du travail, éducation). Une plateforme de solidarité sur les capacités d’accueil des réfugiés a été lancée, pour que les Etats-membres puissent communiquer, et la proposition législative «Action de cohésion pour les réfugiés en Europe» (CARE). Les dirigeants de la Pologne, de la Slovénie et de la République Tchèque se sont également rendus à Lviv pour rencontrer le président Zelensky et réaffirmer le soutien de l’Union européenne au peuple ukrainien.
Pour en savoir plus sur les actions de solidarité européenne en faveur de l’Ukraine cliquez ici.
Cette crise permet aujourd’hui à l’Ukraine de réaffirmer son identité et de choisir une voie résolument pro-européenne. A ce titre, le président Zelensky a fait une demande d’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne lors de son intervention devant le Parlement européen le 28 février. Bien qu’une «intégration éclair» dans la communauté européenne n’est pas à l’ordre du jour, cette demande est une étape de plus dans l’écart creusé avec le voisin russe.
Malgré tout, le président ukrainien a dû reconnaître qu’il était exclu d’intégrer l’OTAN dans les années à venir. Cette concession devrait être un moyen de prolonger le dialogue avec le gouvernement russe afin de sortir de la guerre.
Quelles actions sont déployées sur mon territoire et comment s’engager ?
De nombreuses initiatives sont entreprises sur notre territoire afin de mieux comprendre les enjeux autour de la guerre en Ukraine et de découvrir ce pays à la culture à l’histoire si complexes.
Pour suivre les événements culturels et les rassemblements associés à l’Ukraine, nous vous conseillons de suivre la page Facebook de l’association Ukraine Amitié. Des soirées artistiques, des spectacles, et des concerts sont organisés chaque semaine afin de promouvoir la paix.
Vous pouvez également réécouter en podcast notre émission «L’Europe c’est vous!» sur RCF Bordeaux, dans lequel nous revenons sur les projets d’Ukraine Amitié.
Enfin, si vous souhaitez vous engager et contribuer aux initiatives de solidarité sur le territoire, sachez qu'il existe de nombreux moyens de se mobiliser. Cela passe par des collectes de dons, des propositions d'hébergement (informations pratiques sur le site de la préfecture de la Gironde), et également l'engagement militaire. Pour en savoir plus, nous vous invitons à vous rendre sur la page Facebook du Consulat Honoraire d’Ukraine en Nouvelle-Aquitaine.